L’arrêt de la Cour d’appel dans 2177 23rd Avenue Holdings c. Pival International inc., en date du 9 janvier 2025, a déjà fait couler beaucoup d’encre au sujet des règles applicables dans le cadre de l’exercice d’une option de renouvellement d’un bail commercial et l’obligation de négocier de bonne foi dans le cadre de l’exercice d’une telle option.
Rappelons que cette décision a fait un grand tabac en raison du fait que la clause en litige dans le bail commercial en question est une clause que l’on retrouve fréquemment dans les baux commerciaux au Québec et la Cour d’appel a tranché que le locataire ne disposait pas d’une véritable option de renouvellement dans son bail.
En fait, aux termes du bail en question, une fois que le locataire a transmis son avis visant à exercer son option de renouvellement, les parties devaient s’entendre sur le montant du loyer à payer, à défaut de quoi l’option devenait caduque. La détermination finale de ce loyer devait s’établir suivant certaines balises, soit essentiellement un exercice comparatif basé sur le loyer du marché à cette date pour un terme équivalant dans un immeuble similaire situé dans le même secteur. L’enjeu a toutefois porté sur la question de savoir ce qu’il advient si les parties ne s’entendent pas sur l’établissement de ce loyer? Est-ce fatal au locataire? L’option de renouvellement contenue dans ce bail devient finalement caduque car elle ne prévoit pas qu’à défaut de s’entendre sur le loyer, celui-ci sera déterminé suivant un arbitrage obligatoire ou encore suivant une formule fixant définitivement celui-ci. Puisqu’il manque ces ingrédients essentiels, la Cour d’appel est d’avis que le bail ne contient pas une véritable option de renouvellement en faveur du locataire et qu’en conséquence, le locataire ne peut forcer l’exécution de cette option.
Il est également décidé que le fait pour une partie d’agir de mauvaise foi au cours de la période de négociation où ils sont invités à s’entendre sur le loyer applicable ne permet pas pour autant au tribunal d’établir ce loyer pour les parties. Dans un tel cas, une partie qui agit de mauvaise foi envers l’autre partie s’expose à une réclamation en dommages-intérêts si un préjudice en découle, mais la seule présence d’une telle clause dans le bail invitant les parties à s’entendre sur le nouveau loyer suivant certaines balises ne créé pas pour autant une obligation contractuelle de s’entendre sur un tel loyer. Ainsi, la Cour d’appel tranche que « l’obligation d’exécuter de bonne foi la clause 27.6 du bail n’obligeait pas les parties à contracter, pas plus qu’elle dictait l’issue des négociations ». De plus, la Cour renchérit en affirmant qu’elle doute que l’exécution en nature forcée de l’obligation de négocier de bonne foi puisse être efficace et considère que le remède approprié est plutôt l’octroi de dommages-intérêts à la partie lésée.
Compte tenu que le type de clause analysée par la Cour d’appel est très fréquent dans le milieu immobilier, tant que les baux commerciaux ne seront pas ajustés à la demande de locataires chevronnés pour contenir tous les ingrédients essentiels pour en faire une véritable option de renouvellement, à l’arrivée du terme du bail, un bailleur sera tenté d’exercer une pression importante sur le locataire à l’étape de la négociation d’un nouveau loyer après que le locataire ait manifesté son désir de demeurer dans les lieux loués et renouveler son bail, ayant souvent investi des sommes importantes dans ceux-ci.
Pour l’instant, puisque le marché favorise davantage les locataires, les bailleurs vont vraisemblablement accueillir à bras ouverts un locataire qui désire renouveler son bail commercial et ne sera vraisemblablement pas tenté d’exercer une pression importante sur le locataire, avec le risque que ce dernier préfère finalement trouver un local ailleurs. Mais le marché n’est pas le même partout et toutes les classes d’actifs immobiliers n’ont pas nécessairement les mêmes réalités, faisant en sorte que les locataires commerciaux doivent être extrêmement prudents et examiner rigoureusement la clause d’option de renouvellement dans leur bail commercial.
Qu’en est-il de l’impact de cette décision sur les contrats commerciaux autres que les baux? À notre connaissance, aucun juriste semble s’être penché sur cette question importante.
En effet, plusieurs contrats visant l’établissement d’une relation commerciale à long terme prévoient une option ou un droit de préférence à être exercé dans le futur par une des parties aux contrats. Cela est le cas par exemple d’une offre d’achat ou d’une option d’achat où les parties se sont entendues sur le prix d’achat pour une propriété immobilière et ont convenu que l’acquéreur aura le droit de se porter acquéreur de terrains additionnels faisant l’objet de futures phases de développement. Souvent, le prix d’achat pour de tels terrains additionnels ne sera pas déterminé de façon définitive et comme pour la clause du bail analysée par la Cour d’appel, si les parties n’arrivent pas à s’entendre sur le prix de l’option d’achat et qu’il n’y a pas un mécanisme obligatoire afin de le fixer de façon définitive ou s’il est prévu qu’à défaut d’entente l’option devient caduque, cette option d’achat risque de subir le même sort que celui réservé dans l’arrêt Pival International.
Les mêmes conséquences sont à prévoir dans d’autres contextes d’affaires.
Prenons l’exemple d’un contrat de franchise, celui-ci est souvent assorti d’une option de renouvellement. Le franchisé a souvent investi des sommes importantes dans sa franchise au cours des années et pourrait voir son droit de renouveler son droit d’exploiter cette franchise éteint, si son option de renouvellement est mal rédigée.
Similairement, un emphytéote qui a investi des sommes importantes dans des travaux ou dans la construction d’un bâtiment et qui bénéficie d’une option de renouveler le terme de son bail emphytéotique pourrait se retrouver le bec à l’eau et devoir remettre le tout plus tôt que prévu lors du processus de renouvellement si sa clause est imparfaite.
Prenons comme dernier exemple la situation où une entreprise en démarrage désire vendre ou accorder une licence d’utilisation pour une technologie en voie de développement. Il est possible qu’au stade embryonnaire de développement de sa technologie, cette entreprise a besoin de capitaux additionnels et se tourne vers des prêteurs ou des investisseurs. Dans le cadre d’une entente visant à investir des capitaux substantiels et acheter la technologie à son stade de maturité, il est possible qu’en raison du fait que les parties ne soient pas en mesure d’établir la valeur potentielle de cette technologie au moment de rédiger le contrat, ils conviennent plutôt d’une option d’achat sur le prix de cette technologie selon certaines balises mais sans qu’il y ait un processus de détermination du prix de façon finale. Qu’arrive-t-il si cet investisseur qui a investi des sommes substantielles dans le développement de la technologie et qui s’est fait promettre de pouvoir acheter (ou encore obtenir une licence d’utilisation) suivant une option prévue à son contrat, ne puisse forcer l’exécution de cette option en raison du fait que le prix n’était pas définitif et demeure impuissant devant la démarche du développeur qui cherche maintenant à offrir cette technologie au meilleur offrant?
Le vieil adage « le diable est dans les détails » ne sauraient être plus véridique lorsqu’il est question d’une option dans un contrat commercial et que celle-ci a une valeur commerciale importante.
Par : Nicolas Beaulieu, avocat et associé chez Gascon & Associés S.E.N.C.R.L.