Le 28 mars 2025, la Cour supérieure du Québec a rendu une décision importante dans l’affaire Canderel Entreprises inc. c. 9317-9307 Québec inc., portant sur la contamination d’un immeuble commercial par des hydrocarbures provenant d’un terrain voisin. Ce litige qui s’inscrit dans le contexte d’une contamination environnementale entre propriétés voisines, soulève des questions fondamentales en matière de responsabilité environnementale, de troubles de voisinage et de droit immobilier.
Les faits en bref
Les demanderesses, copropriétaires et gestionnaires d’un immeuble commercial, découvrent en 2017 une contamination aux hydrocarbures sur leur terrain. Elles attribuent cette pollution à un terrain adjacent exploité depuis les années 1970 comme garage et stationnement d’autobus, propriété de la défenderesse.
Malgré plusieurs mises en demeure et des expertises environnementales approfondies, la défenderesse nie toute responsabilité, avançant diverses hypothèses alternatives, dont la présence de déchets historiques ou la contribution d’autres sites voisins.
En ce sens, les demanderesses réclament des dommages pour les travaux de réhabilitation et les autres pertes subies, en plus de demander une injonction permanente afin de faire cesser la dispersion de contaminants sur leur immeuble.
La décision du Tribunal
La Cour a analysé en profondeur les expertises produites par les parties. Cette dernière a jugé que la défenderesse a présenté une expertise moyennement convaincante, entachée d’un manque de rigueur et d’un manque d’impartialité. Ceci dit, la Cour a retenu l’opinion du groupe Stantec, jugée rigoureuse, objective et conforme aux normes du ministère provincial de l’Environnement. Les analyses ont démontré que la contamination provenait vraisemblablement du terrain voisin, via une voie préférentielle dans le roc souterrain.
La Cour conclut que la contamination persistante des sols au-delà des normes réglementaires constitue sans doute un trouble de voisinage anormal au sens de l’article 976 du Code civil du Québec ouvrant qui emporte le droit à une indemnité pour les inconvénients excédant le seuil de tolérance. Elle rappelle que cela repose sur la gravité et la récurrence du préjudice en espèce, plutôt que sur l’intention du propriétaire fautif, étant donné que l’article 976 du Code civil du Québec prévoit un régime de responsabilité sans faute.
Pour ces motifs, la défenderesse est condamnée à verser plus de 3,5M$ aux demanderesses, en lien avec les travaux de réhabilitation, les paiements d’indemnités pour les évaluations environnementales et la prime d’assurance payée. La Cour formule également une conclusion de nature déclaratoire pour compenser les pertes locatives à venir découlant des travaux de décontamination.
Le tribunal a également statuer que les demandeurs ont droit à une injonction afin d’ordonner la défenderesse de prendre les mesures nécessaires pour cesser la migration de contaminants et permettre à la défenderesse de soumette un plan de réhabilitation conforme aux règles applicables. Elle a justifié l’octroi de cette injonction en expliquant que : le trouble est continu, le dommage ne peut être pleinement réparé par une compensation monétaire seule et une intervention immédiate est nécessaire pour limiter les impacts environnementaux futurs.
Ce que cette décision nous enseigne
Cette décision revêt une importance particulière en ce qu’elle renforce la responsabilité environnementale des propriétaires en confirmant que, même en l’absence de faute prouvée, un propriétaire peut être tenu responsable de la migration de contaminants provenant de son terrain. Elle illustre également le rôle déterminant que joue la preuve scientifique dans ce type de litige : la méthodologie d’échantillonnage, la rigueur des analyses et l’objectivité de l’expert peuvent faire pencher la balance.
Par ailleurs, le jugement consacre l’injonction permanente comme outil approprié pour mettre fin à une nuisance environnementale persistante, en complément ou indépendamment d’une indemnisation monétaire.
Enfin, il articule de manière claire la notion d’« inconvénient excessif » de l’article 976 C.c.Q. avec les seuils réglementaires prévus au Règlement sur la protection et la réhabilitation des terrains, offrant ainsi un repère objectif et concret pour évaluer le caractère anormal d’un trouble de voisinage en contexte de contamination.
Les enjeux soulevés par cette décision illustrent à quel point les questions de responsabilité environnementale, de troubles de voisinage et de droit immobilier peuvent être complexes et lourdes de conséquences. Que vous soyez propriétaire, gestionnaire immobilier ou exploitant d’un site commercial, notre équipe possède l’expertise pour vous guider à travers les défis juridiques liés à la contamination des sols, la gestion des risques et les recours disponibles. N’hésitez pas à communiquer avec notre cabinet pour discuter de votre situation — nous sommes là pour vous aider à protéger vos droits et vos actifs, avec rigueur et clarté.
Par : Bruno Fraticelli, avocat et Louisa Kouretas, étudiante