Le 23 octobre dernier, dans la décision Optimum, société d’assurance inc. c. Sécurité Nationale, compagnie d’assurances[1], la Cour supérieure du Québec a rappelé l’étendue de la subrogation de l’assureur dans les droits d’un syndicat de copropriété.
Dans ce dossier, un article de fumeur a pris feu près d’un pot de fleurs situé sur le balcon d’une unité privative et le feu s’est propagé dans les parties communes de la copropriété, causant plus de 1,5 M$ de dommages, sans que le copropriétaire de l’unité commette de faute lourde ou intentionnelle. Dans la déclaration de copropriété, aucune clause ne prévoyait que le syndicat renonçait à son droit de poursuivre les copropriétaires.
L’assureur du syndicat de copropriété a indemnisé le syndicat pour les dommages causés et a, par la suite, intenté un recours contre le copropriétaire. L’assureur alléguait être en droit de poursuivre le copropriétaire afin de recouvrer l’indemnité versée au syndicat à titre d’assuré, puisqu’il était subrogé dans ses droits.
La Cour a rappelé qu’il existait des situations où des assurés sont innommés aux polices d’assurance. Ceux-ci sont, par extension de la définition d’un « assuré », des assurés innommés, et font donc exception à la règle voulant que seules les personnes expressément désignées à la police d’assurance puissent bénéficier de la couverture d’assurance. Si le copropriétaire poursuivi se qualifiait comme étant un assuré innommé, le recours institué par l’assureur reviendrait à poursuivre un assuré pour recouvrer l’indemnité versée à son assuré…
Afin de déterminer le statut des copropriétaires eu égard à la police d’assurance, la Cour a analysé i) les obligations du syndicat à la déclaration de copropriété, dont l’obligation du syndicat de contracter et de maintenir en vigueur une assurance portant sur les parties communes et les parties privatives, et ii) le fait que les primes d’assurances sont acquittées indirectement par les copropriétaires par le biais des charges communes. À la lumière de ces deux éléments, la Cour a déterminé que les copropriétaires étaient des assurés innommés et ne pouvaient donc pas être poursuivis par l’assureur pour les dommages couverts par la police.
Par conséquent, même en l’absence d’une clause de renonciation explicite au droit de poursuivre les copropriétaires dans la déclaration de copropriété, un syndicat de copropriété, qui contracte une police d’assurance pour les parties communes et les parties privatives aux frais des copropriétaires, renonce implicitement à son droit de poursuivre ses copropriétaires à la suite de dommages pouvant y être causés (sans faute intentionnelle ou lourde), et l’assureur subrogé dans les droits du syndicat ne pourra poursuivre les copropriétaires puisque ceux-ci sont les assurés innommés.
Par Catherine Demers
[1] 2019 QCCS 4391.